Raisonner à l’échelle du paysage

Pour réconcilier l’utilisation productive de la terre avec l’environnement, il faut oser un changement de paradigme et raisonner à l’échelle d’espaces polyvalents, parfois appelés paysages multifonctionnels. Tel est l'argumentaire repris par Emmanuel Torquebiau dans l’Introduction d’un numéro spécial du Journal of Sustainable Agriculture (Vol. 3, 2012) intitulé Reconciling Production and Conservation at the Landscape Scale.

On peut vouloir injecter de l’environnement dans les techniques agricoles ou forestières par des ajustements mineurs, comme par exemple raisonner les doses d’engrais ou de pesticides, diminuer la pression sur les terres en intensifiant la production, ou même convaincre les gens de modifier leur régime alimentaire ou leurs achats pour favoriser les produits dits « durables ». Bien que ces propositions soient dignes d’intérêt, elles ne remettent pas en cause le paradigme de base selon lequel, pour produire, il faut modifier l’environnement dans des proportions incompatibles avec une gestion conservatoire des ressources naturelles. Produire ou protéger, il faut choisir.

L’approche dite « paysage » tente de renverser ce paradigme et de démontrer que la terre peut être mise en valeur sans détruire l’environnement. Ou plus exactement, que l’on peut juxtaposer, intégrer, associer, des fondements a priori contradictoires si l’on conçoit un usage polyvalent de la terre et une mosaïque paysagère dans lesquels des pratiques, des entités spatiales voisines, des facettes de la mosaïque, ont des objectifs différents. Et notamment des objectifs de production agricole et de protection de la nature. Tel est le cas par exemple de nombreux paysages agraires africains intensément cultivés mais densément arborés, ou des rizières en terrasses d’Asie, où l’homme a su produire en quantité tout en gérant parcimonieusement l’eau et en protégeant la biodiversité. Il faut, pour réussir cette inversion de paradigme, réfléchir la prise de décision en des termes novateurs, souvent du domaine de l’action collective. Les articles du Journal of Sustainable Agriculture présentent une sélection d’études de cas en Afrique, au Mexique et en France où de tels objectifs ont pu être atteints et posent une série de questions de recherche à traiter en urgence afin de rompre le cycle infernal « production – dégradation » et le remplacer par une alliance vertueuse « production – conservation ».

Lien vers le numéro spécial du Journal of Sustainable Agriculture.

Actualité rédigée par Emmanuel Torquebiau.

Publiée : 03/05/2012