Quelle fut l'influence des premières occupations humaines sur les forêts actuelles du Bouclier des Guyanes ?

La forêt amazonienne se dévoile peu à peu, laissant apparaître combien elle a été façonnée par les peuples amérindiens, y compris dans des sites éloignés des fleuves. C'est ce que confirme une étude à laquelle ont participé, au sein de L'UPR Forêts et Sociétés, Vincent Freycon et Bruno Herault.

Pour identifier les influences à long terme de l'occupation des terres précolombiennes sur la structure, la diversité et le fonctionnement de la forêt amazonienne contemporaine, la plupart des recherches antérieures ont porté sur les plaines alluviales des principaux fleuves du bassin amazonien. La Terra firme, c'est-à-dire les forêts non inondées, en particulier celles du Bouclier des Guyanes, n'ont pas encore été explorées.

Dans cette étude, nous visons à donner un nouvel aperçu des traces subtiles des influences précolombiennes sur les forêts actuelles, compte tenu du contexte archéologique des forêts de Terra firme du Bouclier des Guyanes. Suite à des prospections archéologiques sur 13 sites en Guyane française, nous avons réalisé des inventaires forestiers à l'intérieur et à l'extérieur des sites archéologiques et évalué l'utilisation potentielle précolombienne des essences échantillonnées en utilisant une base de données ethnobotanique originale de la région du Bouclier guyanais.

La biomasse aérienne (320 et 380 T/ha, respectivement), la surface terrière (25-30 et 30-35 m2/ha, respectivement) et la densité des arbres (550 et 700 tiges/ha, respectivement) étaient toutes significativement plus faibles sur les parcelles anthropisées (As) que sur les parcelles non anthropisées (NAs). La présence humaine ancienne a façonné la composition des espèces des forêts échantillonnées avec des Arecaceae, Burseraceae et Lauraceae significativement plus fréquentes dans les parcelles As et des Annonaceae et Lecythidaceae plus fréquentes en parcelles NAs. Bien que la diversité alpha ne soit pas différente entre les As et les AN, la présence de sites précolombiens accroît considérablement la diversité bêta de la forêt au niveau du paysage. Enfin, les arbres à fruits comestibles sont positivement associés aux sites précolombiens, alors que les arbres utilisés pour la construction ou pour leur écorce sont négativement associés aux sites précolombiens.

Un demi-siècle après leur abandon, les anciennes places occupées de l'intérieur du Bouclier des Guyanes présentent encore des différences notables avec les places non anthropisées. Considérant le manque de données concernant l'archéologie des forêts amazoniennes de Terra firme, nos résultats suggèrent que les influences précolombiennes sur la structure (biomasse actuelle plus faible), la diversité (diversité bêta plus élevée) et la composition (liée aux utilisations passées des arbres humains) des forêts amazoniennes actuelles pourraient être plus importantes que prévu.

Published: 19/11/2019