Le propulseur à piment, ça trompe l’éléphant

Comment empêcher les éléphants de piller des récoltes, sans les blesser ? La solution se trouverait dans le propulseur à piment. Un outil co-inventé par le vétérinaire ciradien Sébastien Le Bel et le zimbabwéen Mike La Grange. Explications.

Une histoire banale

Si la nuit, tous les chats sont gris, les éléphants le sont aussi. Il est 19 heures, la nuit vient de tomber. Le moment idéal est venu pour trois éléphants de passer à table. A quelques kilomètres de Harare au Zimbabwe, un champ de maïs vert fera très bien l’affaire. Nos trois pachydermes font fi des sommaires barrières qui protègent l’accès au champ et s’invitent au banquet. Le lendemain matin, Muchanga le paysan découvre avec stupeur sa parcelle piétinée et vandalisée : c’est la réserve alimentaire de sa famille pour l’année entière qui vient de partir en fumée…

Quand l’animal croise la route de l’homme

Avec une population mondiale qui ne cesse de croître, l’homme et l’animal se disputent de plus en plus le même espace. « Les dégâts causés par les troupeaux d’éléphants constituent un problème économique dans les pays pauvres et mettent en péril la sécurité alimentaire des populations », explique Sébastien Le Bel, vétérinaire à l’UR B&Sef. Comment barrer la route à ces mastodontes qui ingurgitent 150 kg de végétaux par jour, sans pour autant les blesser, voire porter atteinte à leur vie ? Comment harmoniser la cohabitation entre l’homme et l’animal ?

Un dispositif original : le propulseur à piment

Des méthodes dissuasives ont déjà fait leurs preuves. Les plus courantes consistent à installer une barrière ou une ficelle imprégnées d’huile pimentée autour d’une parcelle ou encore à faire brûler en bordure du champ débroussaillé, du crottin mélangé à du piment broyé. Mais l’une des meilleures solutions résiderait dans le propulseur à piment. De la taille et forme d’un fusil, ce dispositif en plastique envoie une balle de ping pong remplie d’un concentré huileux de piment fort sur l’éléphant goulu, à 30 mètres environ. Désarçonné d’abord par le bruit, puis par l’impact de la balle, enfin par l’odeur explosive de la mixture épicée, le pachyderme à la trompe ultra-sensible prend ses jambes à son cou. Il ne revient que rarement. Il a compris qu’il s’agit là d’une zone de non droit. Sa mémoire n’est pas un mythe.

Une étape décisive : la phase industrielle

Pour mettre au point le propulseur à piment, Sébastien Le Bel a étudié de près le comportement des animaux. Il s’est associé à un Zimbabwéen, Mike La Grange, expert en faune sauvage, fin connaisseur des éléphants et co-inventeur du procédé, pour faire des essais sur le terrain. Tests concluants. Un brevet a été déposé en 2008. Mais si le dispositif expérimental était bon marché et simple à utiliser de jour comme de nuit, il fallait pouvoir le répliquer… Le coup de pouce pour financer le processus vers l’industrialisation, est venu d’une action incitative1 octroyée par le Cirad et de l’appui de Christelle Monier de la délégation à la valorisation.

La plateforme technologique de l’Hérault (PT3F34) a alors été intégrée au projet d’exploitation du propulseur à piment. Elle a élaboré un cahier des charges précis puis elle a réalisé l’étude d’industrialisation. Des étapes incontournables pour pouvoir dupliquer le prototype à l’identique. « On est ainsi passés d’un objet bricolé, à un dispositif fabriqué dans un plastique très solide par roto-moulage, qui marche à 100 %, poursuit le scientifique. Nous mettrons ce kit dans les mains des gardes-chasse ou encore des ONG, auxquels les paysans font appel en cas d’attaque, notamment à l’occasion de formations. »

La formation : un bon moyen de réduire les conflits homme-animal

Car le meilleur moyen de réduire les conflits passe par la formation et par l’appropriation des outils de limitation des conflits homme-faune, à l’échelle locale. « Il faut que les paysans s’approprient cette démarche, conclut Sébastien. Ce n’est pas la panacée mais l’une des cinquante solutions de la boîte à outils d’atténuation des conflits développée par le Cirad et la FAO. Il revient aux acteurs locaux de l’utiliser à bon escient, pour chasser un éléphant indésirable ou pour induire un effet d’évitement des zones cultivées, en créant une dynamique de clôture virtuelle. » Finalement, la connaissance n'est-elle pas la meilleure des défenses...

Actualité reprise depuis le site web du Cirad : ici

Publiée : 20/01/2014