Sommet des 3 bassins forestiers tropicaux : Que peut-on en attendre ?

Pour la première fois, les pays forestiers tropicaux se réunissent. Ce sommet inédit démarre le 29 mai à Brazzaville et devrait accueillir de riches échanges Sud-Sud et Nord-Sud. Fort de leur expérience sur les grandes forêts de la planète, plusieurs scientifiques de l'unité participent à l’événement.

L’ambition première de ce sommet est la mise en place d’une coopération mondiale, et notamment Sud-Sud, en vue d’une gestion durable des forêts des bassins du Congo, d’Amazonie et du Bornéo-Mékong. Les objectifs sont tout autant de contribuer à la régulation et à la stabilisation du climat planétaire qu’à la lutte contre la pauvreté et au développement économique des pays concernés. Fort de son expérience unique sur les trois bassins forestiers tropicaux de la planète, le Cirad sera bien sûr partie prenante de l’événement par l'intermédiaire du Ministère des affaires étrangères et européennes.
Cette coopération devrait être formalisée par la signature d’un traité entre les pays des trois bassins forestiers tropicaux qui constituera la première pierre d’une plateforme de concertation et d’échanges sur les questions forestières et climatiques. En outre, l’adoption d’une déclaration commune sur les forêts tropicales, le climat et le développement durable visera à envoyer un message fort au prochain Sommet sur le climat de Durban (fin 2011) et au Sommet de Rio +20 (Juin 2012).

Echanges de "bons procédés"…

« Pour que le sommet soit réussi, nous attendons de sincères échanges d'expériences entre les différentes parties, d'un continent à l'autre  » assure Carlos De Wasseige, coordonnateur régional de l’Ofac (Observatoire des forêts d'Afrique centrale). Par exemple, la politique d’aménagement des concessions forestières selon des standards relativement élevés dans plusieurs pays du Bassin du Congo, a permis l'augmentation des surfaces certifiées. Ceci pourrait inspirer les autres continents, tout comme les pratiques d’observation indépendante pour l’attribution des permis forestiers et pour le contrôle des infractions sur le terrain. De son côté, le Brésil pourra expliquer comment il a réussi à inverser sa courbe de déforestation grâce a de solides mesures politiques, incluant la création de vastes zones exclusives en faveur des populations autochtones. Enfin l’Asie pourra vanter son industrie du bois qui offre une réelle valeur ajoutée aux produits forestiers.

... et retours d'expérience

Bien sûr, tous ces succès sont à nuancer et à adapter selon les contextes. Plinio Sist, écologue forestier au Cirad, rappelle qu’ « agir sur les politiques publiques est relativement simple pour un Etat fort et stable comme le Brésil. Mais les mesures prises par le grand pays amazonien seraient plus complexes à mettre en œuvre en Afrique centrale ou en Asie du Sud-Est.  » Autre nuance, l’industrie du bois, si performante en Malaisie et en Indonésie, est à double tranchant, elle pèse de tout son poids dans la surexploitation et l’exploitation illégale des forêts. Les groupes industriels disposent, en outre, d’un portefeuille d’activités qui vont de la transformation du bois d’œuvre aux plantations de palmier à huile, en passant par la fabrication de pâte à papier. Ils trouvent donc un intérêt direct à la conversion des forêts à d’autres usages et constituent un puissant « lobby » qui joue souvent contre les intérêts de la gestion durable des écosystèmes forestiers.

Il n’existe pas de solution unique et miraculeuse pour stopper la déforestation. De fait, ce sommet va offrir une belle occasion aux initiatives, volontés et actions de se croiser et de s’imprégner les unes des autres pour faire des forêts tropicales un levier de développement durable.

Redd, la question qui fâche ?

Carlos De Wasseige craint des crispations autour des discussions sur la Réduction des émissions dues à la déforestation et de la dégradation des forêts (Redd+), car les trois bassins sont en compétition pour les fonds de préparation à ce mécanisme. Alain Karsenty, économiste au Cirad, ajoute que « les pays d’Afrique centrale se plaignent de la défiance de certains pays donateurs  à leur égard, par crainte des phénomènes de corruption, alors qu’ils ont déjà passé des accords avec le Brésil, le Guyana ou l’Indonésie.  » Pour les pays du bassin du Congo, ce sommet sera l’occasion de rappeler à la communauté internationale leur proposition unique sur la Redd+ déposée à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques par l’intermédiaire de la Comifac (Commission des forêts d’Afrique centrale).

Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement sur les trois bassins forestiers tropicaux du monde
29 mai - 3 juin 2011
Brazzaville, République du Congo

La participation du Cirad

•   Alain Karsenty intervient lors du Forest Day organisé par le Cifor en parallèle du sommet, le samedi 4 juin.
•   Une exposition organisée par le Cirad sera visible durant toute la durée du sommet.

Publiée : 19/05/2011