Puits de carbone : le bassin du Congo et l'Amazonie présentent des tendances très contrastées

Les capacités de fixation du carbone des grands massifs forestiers mondiaux se révèlent saturées et opèrent de moins en moins, conformément à ce qui est observé en Amazonie, quand le déclin du puits de carbone africain finira lui aussi par se manifester. C'est ce que révèle une étude publiée dans Nature, à laquelle ont participé Sylvie Gourlet-Fleury et Fabrice Bénedet, tous deux de l'UPR Forêts et Sociétés, de même que Christelle Gonmadge, ancienne doctorante de la même unité.

Les forêts tropicales structurellement intactes ont séquestré environ la moitié de l'absorption mondiale de carbone terrestre au cours des années 1990 et au début des années 2000, éliminant environ 15 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone. Les modèles de végétation liés au climat prévoient généralement que ce "puits de carbone" des forêts tropicales se poursuivra pendant des décennies.

Nous avons évalué les tendances du puits de carbone en utilisant 244 forêts tropicales africaines structurellement intactes, réparties dans 11 pays, en les comparant à 321 parcelles suivies en Amazonie et en étudiant les facteurs sous-jacents de ces tendances.

Le puits de carbone dans la biomasse vivante aérienne des forêts tropicales africaines intactes est stable depuis trois décennies jusqu'en 2015, à raison de 0,66 tonne de carbone par hectare et par an (intervalle de confiance de 95 % 0,53-0,79), à l'inverse du déclin à long terme observé au sein des forêts amazoniennes.

Par conséquent, les réponses des puits de carbone des deux plus grandes étendues de forêts tropicales de la planète ont divergé. Cette différence est largement due aux pertes de carbone dues à la mortalité des arbres, sans tendance pluridécennale décelable en Afrique, et à une augmentation de ces pertes à long terme en Amazonie.

Les deux continents affichent une croissance croissante des arbres, ce qui correspond à l'effet net attendu de l'augmentation du dioxyde de carbone atmosphérique et de la température de l'air. Malgré la stabilité passée du puits de carbone africain, nos parcelles les plus intensément surveillées suggèrent une augmentation des pertes de carbone après 2010, retardée par rapport à l'Amazonie, ce qui indique une saturation asynchrone des puits de carbone sur les deux continents.

Un modèle statistique incluant le dioxyde de carbone, la température, la sécheresse et la dynamique forestière explique les tendances observées et indique un déclin futur à long terme du puits africain, alors que le puits amazonien continue de s'affaiblir rapidement.

Dans l'ensemble, l'absorption du carbone dans les forêts tropicales intactes de la Terre a atteint son maximum dans les années 1990. Étant donné que le puits de carbone terrestre mondial augmente en taille, des observations indépendantes indiquant une plus grande absorption récente de carbone dans la masse terrestre de l'hémisphère nord renforcent notre conclusion selon laquelle le puits de carbone des forêts tropicales intactes a déjà atteint son maximum.

Cette saturation et le déclin continu du puits de carbone des forêts tropicales ont des conséquences sur les politiques visant à stabiliser le climat de la Terre.

Publiée : 10/03/2020