Les impacts des routes forestières sur les forêts tropicales

La polémique sur les impacts des routes forestières sur les forêts tropicales bat son plein. Nous livrons ici le point de vue de Fritz Kleinschroth, qui a réalisé sa thèse, au sein de l'UPR Forêts et Sociétés, sur l'impact et le devenir des pistes forestières dans le bassin forestier du Congo.

Le moyen le plus efficace pour la conservation des forêts tropicales est d'éviter la première coupe (Laurance et al., 2014). Cette première coupe est souvent associée à la création de routes forestières, car l'exploitation sélective d'arbres forestiers de grande valeur est généralement la première utilisation de terres industrielles dans les forêts tropicales à forte croissance.

Nous venons de publier un document sur les impacts des routes forestières sur les forêts tropicales (Kleinschroth et Healey, 2017). Nous y fournissons la première évaluation du cycle de vie complet des routes forestières. Nous avons aussi réuni une abondante littérature sur les impacts des routes forestières.

En général, les impacts indirects de ces routes sur les départs de feu, la détérioration de la qualité de l'eau, la conversion en agriculture et l'augmentation de la chasse, sont beaucoup plus sévères que les impacts directs sur le couvert forestier, le sol et la faune, car ceux-ci sont limités dans leur durée et dans la surface qu'ils représentent. La plupart des routes principales qui sont maintenant associées à la déforestation ont probablement été initialement construites pour l'exploitation forestière, et ont ensuite été converties en routes publiques.

Cependant, cela ne justifie pas l'inversion de l'argument selon lequel toute route construite dans une forêt tropicale entraînerait une déforestation. Ce qui fait essentiellement défaut dans la littérature est la quantification des routes forestières présentant les impacts répertoriés ci-dessus. Nos propres données du bassin du Congo suggèrent elles-mêmes que 88% des routes construites pour l'exploitation forestière sont abandonnées après les opérations d'exploitation forestière, et sont rapidement recolonisées par la végétation (Fritz Kleinschroth et al., 2016, F. Kleinschroth, Healey et Gourlet-Fleury, 2016). Les anciennes routes forestières peuvent même constituer un habitat pour les animaux qui les utilisent comme source de nourriture et comme chemins privilégiés pour se déplacer. Ce n'est que dans les zones où la densité de population humaine est élevée, et où les routes forestières créent de nouvelles connexions entre les centres urbains, que celles-ci sont susceptibles d'être utilisées en permanence par les hommes, et sont ensuite officiellement converties en voies publiques qui facilitent effectivement la déforestation à grande échelle.

Sous les tropiques, les forêts sont déjà parcourues de vastes réseaux de pistes forestières, ce qui rend compte du fait que la première coupe est déjà effective. Compte tenu de l'importance des forêts exploitées pour la conservation de la biodiversité et le stockage du carbone, la gestion routière doit être placée au sommet de l'agenda de la politique forestière. Les efforts de conservation seront plus efficaces lorsqu'ils se concentreront sur ces quelques routes qui deviennent effectivement des noyaux pour la déforestation, mais aussi sur les activités humaines qui sous-tendent elles-mêmes cette déforestation. 

Kleinschroth, F. and J. R. Healey. 2017. “Impacts of Logging Roads on Tropical Forests.” Biotropica. Retrieved (http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/btp.12462/full).

Kleinschroth, F., J. R. Healey, and S. Gourlet-Fleury. 2016. “Sparing Forests in Central Africa: Re-Use Old Logging Roads to Avoid Creating New Ones.” Frontiers in Ecology and the Environment 14(1):9–10.

Kleinschroth, Fritz, John R. Healey, Plinio Sist, Frederic Mortier, and Sylvie Gourlet-Fleury. 2016. “How Persistent Are the Impacts of Logging Roads on Central African Forest Vegetation?” Journal of Applied Ecology 53:1127–37.

Laurance, William F. et al. 2014. “A Global Strategy for Road Building.” Nature 513:229–32. Retrieved August 27, 2014 (http://www.nature.com/doifinder/10.1038/nature13717).

Publiée : 11/08/2017