Un cadre commun pour modéliser la régénération des forêts tropicales perturbées

Il manquait jusqu'à ce jour un modèle de trajectoires de régénération forestière, considérant les forêts perturbées dans un cadre commun, le long d'un gradient d'intensité de perturbation, selon différents types de perturbation. Ce modèle mis au point par une équipe internationale de chercheurs, dont trois membres de l'UPR Forêts et Sociétés, publié dans la revue Ecological Modelling, permet de comprendre et de comparer la façon dont les attributs de la végétation se recouvrent dans les forêts perturbées. Le résumé de cette publication est repris ci-après.

Malgré leur biodiversité et leurs stocks de carbone exceptionnels, plus de 80 % des forêts tropicales sont perturbées. Cependant, de nombreuses interrogations subsistent quant à la capacité des attributs de la végétation des forêts tropicales à se remettre des diverses perturbations anthropogéniques qui coexistent dans de nombreux paysages tropicaux. Alors que ces différentes perturbations sont généralement étudiées séparément, ce travail fournit, pour la première fois, un cadre de modélisation commun de la récupération des attributs de la végétation dans des forêts différemment perturbées.
Nous développons un modèle hiérarchique bayésien original des trajectoires de régénération, en considérant les forêts perturbées dans un cadre commun, à travers un gradient d'intensité de perturbation. Comme étude de cas, nous testons notre approche de modélisation sur des données provenant de deux expériences à long terme, Tirimbina (Costa Rica) et Paracou (Guyane française), où des parcelles d'échantillonnage forestier permanent ont été mises en place après une exploitation forestière sélective (63,25 ha), une agriculture (4 ha), et une coupe à blanc+feu (6,25 ha).

Nous construisons un cadre de modélisation qui se distingue par : (i) son interprétabilité, les paramètres du modèle ayant une signification écologique claire ; (ii) sa robustesse, qui permet de comparer les valeurs des paramètres entre les systèmes écologiques afin de s'assurer que les prédictions sont écologiquement valables ; (iii) sa polyvalence, qui permet de prendre en compte l'intensité des perturbations par le biais de changements postperturbation d'une variable structurelle, soit en tant que données d'entrée, soit en tant que paramètre transformé, sans nécessiter de suivi avant perturbation ; (iv) sa flexibilité, qui permet de prendre en compte explicitement, et de tester, les effets sur la régénération forestière de différents types de perturbations, le long d'un gradient d'intensité, dans un seul modèle intégratif.
Les premières conclusions tirées de notre cadre commun soulignent le taux de reconstitution de la biomasse aérienne et de la diversité le plus élevé offert par l'exploitation forestière sélective, par rapport à l'agriculture et à la coupe à blanc+feu, ainsi que l'effet important de l'intensité de la perturbation sur la reconstitution de la composition taxonomique.

Considérer les forêts perturbées dans un cadre commun pourrait aider les gestionnaires à savoir quels types de perturbations doivent être fermement évités, quelle gamme d'intensité rend les activités humaines durables dans les environnements forestiers, et où la régénération naturelle peu coûteuse devrait être favorisée par rapport à la restauration active, telle que la plantation d'arbres. L'étape suivante consistera à tester ce cadre à l'aide de divers outils de surveillance permettant d'estimer l'intensité des perturbations et de modéliser la régénération des attributs de la végétation, c'est-à-dire à l'aide de données de surveillance des forêts ou de télédétection, afin de pouvoir l'appliquer à grande échelle.

Publiée : 15/08/2023