Comment la forêt tropicale humide varie-t-elle avec l'altitude ?

La composition et la richesse forestière sont particulièrement sensibles à l'altitude. Comment cela se manifeste-t-il au Costa Rica ? C'est de cette question dont se sont saisi des chercheurs du CATIE, en associant Marie-Ange Ngo Bieng, de l'unité Forêts et Sociétés, actuellement mise à disposition de ce centre de recherche.

Les auteurs ont cherché à déterminer la relation entre la composition de la forêt et la diversité alpha (c'est-à-dire la diversité des espèces d'un assemblage local) avec l'altitude, le sol et les facteurs spatiaux, le long d'un gradient de 440 à 2 950 m au-dessus du niveau de la mer. Le site retenu pour cette étude était le versant caraïbéen de la cordillère de Talamanca, au Costa Rica. Ont été mesurées et identifiées toutes les tiges de plus de 10 cm dbh dans 32 parcelles de forêt tropicale non perturbées de 0,25 ha chacune, disposées le long du gradient. Les chercheurs ont ensuite déterminé des modèles de composition à l'aide de l'ordination non métrique à échelle multidimensionnelle (NMS) et ont utilisé des régressions linéaires pour explorer la relation entre quatre mesures de diversité alpha et l'altitude. En recourant au partitionnement de la  variance (VARPART), ils ont déterminé la variation de composition expliquée par l'altitude, le sol et les variables spatiales quantifiées à l'aide de matrices du type "Principe Components of Neighbor".

Un ensemble de 425 espèces ont été identifiées. L'axe 1 de la NMS séparait une zone de plaine (440 - 1 120 m d'altitude) d'une zone transitoire dominée par l'Oreomunnea mexicana (1 400 - 1 600 m d'altitude) et des forêts dominées par Quercus à des altitudes dépassant 2 100 m. La zone de basses terres a été divisée en deux groupes de placettes sur l'axe 2 de la NMS, le premier dans la zone 430-620 m d'altitude et le second à 1 000 -1 120 m d'altitude. Les régressions ont montré que tous les paramètres de diversité alpha étaient fortement liés, négativement, à l'altitude (R2 > 0,78). Dans l'ensemble, le R2 ajusté à l'aide de l'analyse VARPART était globalement de 0,43, précisément de 0,30, 0,21 et 0,17 pour l'altitude, le sol et l'espace, respectivement. Le R2 ajusté respectif des matrices individuelles, après contrôle des deux autres, était de 0,06, 0,05 et 0,09 (p < 0,001).

En conclusion, il existe deux zones de composition forestière bien définies sur ce gradient : les basses terres, de 430 à 1 120 m d'altitude, et les forêts montagnardes, au-dessus de 2 150 m d'altitude, avec une zone de transition entre 1 400 et 1 600 m d'altitude, où l'on trouve ensemble des espèces holarctiques des basses terres tropicales et montagneuses. Les forêts montagnardes sont très distinctes par leur composition et leur faible diversité alpha. La végétation et le sol réagissent à l'altitude, et donc à la température, en tant que système intégré, un modèle qui va au-delà de l'assemblage par niche comme le montre l'effet significatif de l'espace dans l'analyse VARPART.

Publiée : 22/10/2019