Impacts des incendies de tourbières sur la Malaisie et nouvelles pistes de lutte contre les départs de feu

L’Académie des Sciences de Malaisie (ASM) vient de publier un ouvrage collectif sur le “Haze”, sur ses effets en Malaisie et les solutions qui peuvent être recherchées pour diminuer les départs de feu. C’est une somme qui rassemble les contributions de 147 auteurs, et fait le point sur les travaux des scientifiques Malaisiens sur ce sujet. L’UPR Forêts et Sociétés a largement contribué au chapitre “Wastes to resources: Energy or Materials” à travers l’équipe mixte CIRAD-Universiti Putra Malaysia dirigée par Jean-Marc Roda. Cet ouvrage est aussi destiné à être la base scientifique sur laquelle les décisions du gouvernement Malaisien s’appuieront.

Le “haze” Est un brouillard de fumée très dense qui s’étend sur des milliers de kilomètres, sur plusieurs pays. Il trouve son origine dans les incendies de tourbières qui reviennent épisodiquement, souvent à la faveur du phénomène “el niño”, mais de plus en plus fréquemment en raison de la dégradation des écosystèmes dans certaines régions d’Indonésie. La Malaisie péninsulaire est “sous le vent” des incendies de Sumatra, et l’épisode particulièrement grave de 2015 y a provoqué la fermeture de 7 644 écoles pendant plus de deux mois, affectant plus de 4 millions d’écoliers, et a provoqué l’annulation de 517 vols aériens.

Le premier chapitre de l’ouvrage “Air quality & Haze épisodes” et son annexe analysent dans le détail les effets du “haze” sur la qualité de l’air et sur la santé humaine. Il fait aussi l’inventaire des principales causes de départs de feu (essentiellement des pratiques traditionnelles d’écobuage pour de l’agriculture  de subsistance et pour de la conversion des forêts sur tourbière en plantations industrielles). Il évalue le lien entre le phénomène et les conditions météorologiques, et enfin discute ses impacts socio-économiques en Malaisie, ainsi que les aspects politiques et diplomatiques de la question.

Le deuxième chapitre de l’ouvrage “Peat area & water management” et son annexe analysent dans le détail la nature, la répartition et les caractéristiques bio-géo-physiques des tourbières de la région Asie du Sud-Est, et leur lien avec le stockage ou l’émission de CO2. Il discute notamment la question des niveaux des nappes d’eau, principale facteur d’amplification du feu de tourbières quand celles-ci sont drainées, et réciproquement principal facteur de lutte contre les incendies quand les niveaux de la nappe sont correctement gérés. La question du rôle de la compaction des tourbières est aussi abordée à partir de cas documentés au Sarawak et au Sabah. Enfin il discute des questions politiques et diplomatiques spécifiques aux stratégies de gestion des tourbières et du niveau des nappes d’eau.

Le troisième chapitre de l’ouvrage “Waste to resource: energy or materials” et son annexe, part du double constat que depuis des décennies la plupart des départs de feu proviennent de pratiques traditionnelles d’écobuage dans le cadre de nettoyages agricoles, et ce par des populations pauvres, alors que les interdictions d’écobuage n’arrivent pas à en faire baisser la pratique. En conséquence une des possibles voies est de remplacer ces pratiques par de la récolte soutenable et de la vente des déchets agricoles en question, afin que les populations en tirent un revenu suffisamment incitatif. Le chapitre discute diverses technologies de valorisation de cette biomasse sous forme de matériau et d’énergie y compris bioraffinerie, et évalue les différents aspects de leur faisabilité économique dans le cadre de l’Asie du Sud-Est. C’est à cette évaluation que l’équipe de Jean-Marc Roda a particulièrement contribué : Mlles Ong Chu Lee et Chen Jia Tian, doctorantes, et Mlle Juliette Babin, stagiaire AgroParisTech.

 Actu rédigée par Jean-Marc Roda

Publiée : 06/11/2018