Quels critères pour un « cacao agroforestier » originaire du Cameroun ?

Le cacao d'agroforêt fait l'objet de nombreux débats depuis quelques années, mais cette discussion se base presque toujours sur les expériences d'Afrique de l'Ouest. D'autres pratiques agroforestières existent, comme en Afrique centrale, qu'il faut mieux documenter pour illustrer et valoriser la diversité du cacao agroforestier.

La nécessité d’un atelier national sur la question

Ces dernières années, la filière cacao connaît une évolution forte à l’échelle internationale en réaction à la contrainte de produire un cacao durable et sans déforestation. Le Règlement contre la Déforestation de l’Union Européenne (RDUE) entérine cette évolution, en donnant un caractère contraignant à l’objectif de non déforestation. Le RDUE adopte toutefois une définition particulière des agroforêts qui rend peu justice à la capacité de ces systèmes de production à fournir un cacao durable d’un point de vue environnemental, économique et social.

Dans un tel contexte international et national, le Cameroun aurait grand intérêt à mieux définir un positionnement porteur et réaliste pour sa filière cacao en valorisant les avantages comparatifs du « cacao agroforestier » dont les caractéristiques sont bien supérieures à celles qui peuvent exister en Afrique de l’ouest ou en Amérique latine.

Pour répondre à cette préoccupation, le Conseil Interprofessionnel du Cacao et du Café (CICC) et le CIRAD ont conduit une large étude à l’échelle nationale pour identifier les variables et les seuils pertinents pour qualifier un cacao agroforestier camerounais. Les résultats de cette étude ont été présentés et discutés lors d’un atelier organisé les 10 et 11 janvier 2024 à Yaoundé.

Objectifs de l’atelier

L’objectif général de cet atelier était d’élaborer un référentiel afin de qualifier autant que possible le « cacao agroforestier » originaire du Cameroun. Cet atelier technique, qui a été permis grâce aux fonds de l’UE, du CICC, de la GIZ et du CIRAD, a rassemblé 60 personnes représentant les divers acteurs engagés dans la promotion du cacao durable. Il a été organisé en trois sessions : la présentation de l’étude conduite par le CIRAD et le CICC pour identifier les variables et les seuils pertinents pour qualifier un cacao agroforestier camerounais ; (2) la confrontation de ce référentiel aux initiatives existantes en matière de cacao durable ; (3) l’identification de critères et seuils qualifiant un cacao agroforestier pour le Cameroun.

Trois archétypes de système agroforestier à base de cacao

L’étude du CICC et du CIRAD a permis d’identifier 3 grands types de cacaoyères en agroforesterie dans les bassins de production échantillonnés.

Le premier type « hautement diversifié » représente 25% de l’échantillon et est constitué de cacaoyères présentant les plus fortes densité et diversité d’arbres forestiers associés. Elles sont généralement localisées dans la zone où le couvert forestier est le plus important. Ces cacaoyères se situent dans tous les arrondissements échantillonnés de la région Est et celui de Mintom de la région Sud.

Un deuxième type « intensif » représente 35% de l’échantillon et est constitué de cacaoyères présentant un âge, un rendement, une surface terrière des cacaoyers et un degré d’intensification en travail et en intrants les plus élevés. Elles sont bien souvent dans des zones où la cacaoculture est prédominante et installée depuis plusieurs décennies. Ces cacaoyères se situent dans tous les arrondissements échantillonnés des régions Littoral et Sud-Ouest et celui de Sa’a de la région Centre. Elles appartiennent aux trois zones agroécologiques mais majoritairement à celle des hauts-plateaux.

Un troisième type « polyvalent » représente 40% de l’échantillon et est constitué de cacaoyères avec des fonctions annexes à la cacaoculture importantes, c’est-à-dire avec un grand nombre d’arbres fruitiers à l’hectare et d’usages des espèces forestières associées. Les valeurs des autres variables mesurées dans ces cacaoyères sont intermédiaires à celles des types précédemment mentionnés. Elles se situent dans la majeure partie des arrondissements échantillonnés des régions Sud et Centre et appartiennent aux zones de forêt humide à régime pluviométrique mono et bi-modal.

Quelles variables pertinentes pour caractériser le cacao agroforestier camerounais ?

Les participants à l’atelier ont ensuite passé en revue les principales variables retenues pour le cacao agroforestier ou le cacao durable, notamment selon le standard Rainforest Alliance, l’approche IDH et la norme ARS 1000 pour identifier les principaux critères permettant de qualifier un cacao agroforestier pour le Cameroun.

Le débat fut vif, riche, parfois complexe, mais quelques critères font consensus comme le nombre d’arbres associés par hectare, leur surface terrière, le nombre de strates végétales, le nombre de cacaoyers par hectare ou le nombre d’arbres et d’espèces ligneuses par hectares.

Beaucoup de discussions et réflexions restent à conduire pour étayer cette analyse technique, notamment en impliquant les décideurs publics camerounais et/ou européens sur le sort qu’ils envisagent pour ce cacao d’agroforêt. Le CICC et le CIRAD resteront mobilisés dans les prochains mois pour faire avancer le dossier…

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Publiée : 16/01/2024