Vers une planification de l’usage des terres au Congo

Quelles zones privilégier pour l’agriculture ? Où faut-il assurer la conservation des forêts et des tourbières ? Comment répondre aux besoins énergétiques des ménages urbains tout en réduisant la dépendance au charbon de bois ? Dans un objectif de diversification économique et de sécurité alimentaire, le gouvernement congolais lance cette année le Programme d’utilisation durable des terres (PUDT).

Financé par l’Initiative pour les Forêts d’Afrique Centrale (CAFI) et l'AFD, le PUDT rassemble quatre ministères du gouvernement congolais, dont le ministère de l’Aménagement du Territoire, des Infrastructures et de l’Entretien des Routes (Matier) qui en assure la coordination. Le projet fait appel à plusieurs organismes internationaux en recherche et développement, ainsi qu’à des ONG. 

Au Cirad, le projet mobilise des chercheurs issus de différentes disciplines : géographes, agronomes, forestiers, économistes…  Plusieurs sont en poste à Brazzaville, dont Emilien Dubiez, chef de projet Cirad du PUDT et responsable de la composante bois-énergie : « l’objectif est de construire collectivement un processus pour définir les orientations de l’aménagement du territoire au Congo. Ce travail passe par une concertation multi-acteurs et multisectorielle qui permettra de faire naître une vision commune de l’aménagement du territoire ». L’ingénieur forestier évoque également le renforcement des capacités des acteurs impliqués sur les principes de l’aménagement du territoire. « L’enjeu sera de traduire les résultats en informations mobilisables pour les décideurs politiques », précise-t-il par ailleurs. 

Les quatre axes du PUDT,
entre développement et conservation des écosystèmes

L’enjeu du PUDT est de réussir à lier les réflexions sectorielles, les relations et les contraintes afin de mettre en place la planification nationale de l’usage des terres. Ce travail ne pourra se faire que dans le cadre d’un apprentissage collectif. Le Cirad participe au PUDT à travers quatre composantes thématiques.

Aménagement du territoire

Les processus de concertation seront déterminants pour garantir la prise en compte des besoins et des contraintes de tous les secteurs et de toutes les parties prenantes. La démarche, relativement nouvelle pour les administrations congolaises, nécessitera la formation des agents et le développement d’outils adaptés. Les actions seront menées au niveau national, et les orientations seront déclinées au niveau de deux départements pilotes : Pool et Niari, situés au sud du pays. Ronan Mugelé, responsable de cette composante pour le Cirad, indique : « on fera par exemple appel à des outils de prospectives, pour définir l’évolution souhaitée d’une zone d’ici vingt ans. Ces ateliers permettront aux acteurs d’évoquer leurs objectifs et de décider collectivement, en visant un consensus ».

Gestion durable des forêts

Le Congo enregistre des taux de déforestation relativement bas. Néanmoins, le besoin de diversification de l’économie via l’agriculture pourrait amorcer un changement d’usage des terres et impacter des forêts à haute valeur de conservation (HCV) ou haut stock de carbone (HSC). Ces forêts seront identifiées et intégrées dans le Plan National d’Aménagement du territoire afin de garantir leur non-conversion. Selon Vivien Rossi, chercheur en biostatistique au Cirad et responsable de la composante forêts, « l’identification des forêts HVC ou HSC repose sur l’élaboration d’une méthodologie comprise et acceptée par tous les acteurs concernés, ministères, administrations décentralisées ou organisations de la société civile. Cette vision commune se construira grâce à un processus de concertation continu qui orientera les choix méthodologiques. L’objectif est une appropriation par tous de la cartographie des forêts à ne pas convertir ».

Définition du domaine agricole et projets zéro-déforestation

Le secteur agricole congolais est dominé par une agriculture familiale, itinérante et sur brûlis. Dans le cadre du PUDT, des études seront menées sur le potentiel agronomique des différentes zones et l’identification des zones propices au développement des cultures priorisées par le gouvernement comme le manioc, l’arachide, la banane plantain... Les filières seront analysées et renforcées, et des pratiques agronomiques vertueuses pour l’environnement seront proposées en fonction des choix sectoriels définis par le Ministère. Julie Murel est responsable de cette composante pour le Cirad : « la diversification de l’économie par le secteur agricole passe par l’identification de bassins de production pour l’agro-industrie et pour les agriculteurs entrepreneuriaux, tout en garantissant des espaces dédiés à l’agriculture de subsistance. Ces bassins doivent être identifiés en prenant en compte les objectifs de production, zéro-déforestation et agroécologiques ».

Approvisionnement en énergies durables des villes de Brazzaville et de Pointe Noire

À l’échelle nationale, les pressions sur les ressources forestières sont encore faibles. Plus de la moitié de la population se concentre dans les villes de Brazzaville et de Pointe Noire. Ces dernières exercent une pression accrue dans les bassins de production agricole et en bois-énergie afin de satisfaire les demandes urbaines. Emilien Dubiez précise : « l’objectif est de mettre en place les conditions d’un approvisionnement urbain en bois-énergie domestique durable et stable ». Les chercheurs s’attacheront d’abord à rassembler des données sur la consommation urbaine, l’organisation des filières, la délimitation du bassin d’approvisionnement et sa dynamique. Une seconde phase de concertation permettra de définir des mesures techniques et économiques de gestion durable de la ressource en bois. La troisième phase, enfin, se focalisera sur l’accompagnement dans la mise en œuvre de Schémas directeurs d’approvisionnement en énergies durables (SDABE) au travers de comités de gestion de bassin.

Actu reprise du site intranet du Cirad

Publiée : 05/12/2023