Comptage de cervidés en surdensité en Ouzbékistan

Dans une actualité de décembre 2018, Valéry Gond et Régis Peltier (UPR Forêts et Sociétés) relataient leur première mission en Ouzbékistan dans le cadre du projet « Mapping natural resources along the Amu Darya’s banks in Uzbekistan and Turkmenistan » pour le compte de la GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GmbH).

L’objectif était de lancer les opérations de terrain dans la réserve de la biosphère du Bas Amou Darya (fleuve tributaire de la mer d’Aral) avec les partenaires locaux de la GIZ et de l’ONG KRASS (Khozerm Rural Advisory Support Service) en appui à plusieurs collègues de l'UR Selmet (Jean-Daniel Cesaro, responsable du projet). Cette mission consistait à effectuer des relevés de végétation nécessaires pour traiter les images satellite acquises par GeoSud-Theïa via Audrey Jolivot (Tetis). Depuis ce temps, les cartes ont été réalisées.

Il restait à évaluer la population de cerfs (Cervus hanglu bactrianus) présente dans la partie centrale de la réserve (88 km2). Cette sous-espèce est inféodée aux forêts ripariennes d’Asie Centrale (du nord de l’Afghanistan au Kazakhstan, en passant par le Turkménistan et le Tadjikistan). Menacée d’extinction en raison de la disparition de son habitat, elle a fait l’objet d’un programme de réintroduction : une dizaine de cerfs ont été réintroduits dans la Réserve dans les années 1970.

Une opération de comptage pédestre par la méthode des transects en ligne a été conduite au sein de la Réserve par Daniel Cornelis, Valéry Gond et Régis Peltier en octobre 2019. Quinze layons totalisant 66 km ont été parcourus et 336 cerfs ont été observés. Sur cette base, la population de cerfs a été estimée à 2112 individus (intervalle de confiance : 1320-3344). La densité de 24 cerfs/km2 est près de dix fois plus élevée que ce qui est recommandé dans les forêts d’Europe de l’Ouest (1,5 à 3 individus/km2) pour préserver l’équilibre forêt-gibier. Cette surdensité entraîne une absence totale de régénération forestière dans le cœur de la réserve, en particulier pour les peupliers de l’Euphrate (Populus diversifolia Schrenk) et des dégâts importants dans les cultures voisines (coton et maïs), deux paramètres qui menacent la durabilité de l'écosystème, comme cela a été confirmé par une étude diachronique des images satellites.

Les experts proposent la translocation d'un tiers de la population de cerfs vers d'autres réserves de la sous-région, ce qui limiterait les risques d'extinction de cette sous-espèce en cas de maladie infectieuse. Il faut également étudier la possibilité de modifier le classement de l'IUCN et la loi nationale pour permettre la chasse sportive, dont les revenus permettraient de financer le fonctionnement de la réserve, d'améliorer l'accueil du public, de protéger les cultures et d'indemniser les agriculteurs riverains. Des actions de protection de la régénération forestière doivent être également étudiées. Ces mesures contribueraient à sauvegarder cet exceptionnel sanctuaire écologique, dans la région de la mer d'Aral par ailleurs fort dégradée.

Published: 31/03/2020