Sylvain Schmitt a soutenu sa thèse le 10 décembre par visioconférence

Au vu des circonstances actuelles, la soutenance de thèse de Sylvain Schmitt s'est dérloulée entièrement en visioconférence. Le public a eu accès à la soutenance en se connectant sur youtube.

Génomique écologique de l'exploitation de niche et de la performance individuelle chez les arbres forestiers tropicaux

Résumé de la thèse : Les forêts tropicales abritent la plus grande diversité d'espèces au monde, un fait qui reste en partie inexpliqué et dont l'origine est sujette à débat. Même à l'échelle de l'hectare, les forêts tropicales abritent des genres riches en espèces, avec des espèces d'arbres étroitement apparentées qui coexistent en sympatrie. En raison de contraintes phylogénétiques, on s'attend à ce que les espèces étroitement apparentées possèdent des niches et des stratégies fonctionnelles similaires, ce qui questionne les mécanismes de leur coexistence locale. Les espèces étroitement apparentées peuvent former un complexe d'espèces, composé d'espèces morphologiquement similaires ou qui partagent une importante proportion de leur variabilité génétique en raison d'une ascendance commune récente ou d'hybridation, et qui peut résulter d'une radiation écologique adaptative des espèces selon des gradients environnementaux. Malgré le rôle clé des complexes d'espèces dans l'écologie, la diversification et l'évolution des forêts néotropicales, les forces éco-évolutives qui créent et maintiennent la diversité au sein des complexes d'espèces néotropicales restent peu connues. Nous avons exploré la variabilité génétique intraspécifique comme un continuum au sein de populations structurées d'espèces étroitement apparentées, et mesuré son rôle sur la performance individuelle des arbres à travers la croissance dans le temps, tout en tenant compte des effets d'un environnement finement caractérisé au niveau abiotique et biotique. En combinant des inventaires forestiers, des données topographiques, des traits fonctionnels foliaires et des données de capture de gènes dans la station de recherche de Paracou, en Guyane Française, nous avons utilisé la génomique des populations, les analyses d'associations environnementales et génomiques, et la modélisation Bayésienne sur les complexes d'espèces Symphonia et Eschweilera clade Parvifolia. Nous avons montré que les complexes d'espèces d'arbres couvrent l'ensemble des gradients locaux de topographie et de compétition présents dans le site d'étude alors que la plupart des espèces qui les composent présentent une différenciation de niche marquée le long de ces mêmes gradients. Plus précisément, dans les complexes d'espèces étudiés, la diminution de la disponibilité en eau, par exemple depuis les bas-fonds jusqu'aux plateaux, a entraîné une modification des traits fonctionnels foliaires, depuis des stratégies d'acquisition à des stratégies conservatrices, tant entre les espèces qu'au sein de celles-ci. Les espèces de Symphonia sont génétiquement adaptées à la distribution de l'eau et des nutriments, elles coexistent donc localement en exploitant un large gradient d'habitats locaux. Inversement, les espèces d'Eschweilera sont différentiellement adaptées à la chimie du sol et évitent les habitats les plus humides et hydromorphes. Enfin, les génotypes individuels des espèces de Symphonia sont différentiellement adaptés pour se régénérer et croître en réponse à la fine dynamique spatio-temporelle des trouées forestières, avec des stratégies adaptatives de croissance divergentes le long des niches de succession. Par conséquent, la topographie et la dynamique des trouées forestières entraînent des adaptations spatio-temporelles à fine échelle des individus au sein et entre les espèces des complexes d'espèces Symphonia et Eschweilera clade Parvifolia. Je suggère que les adaptations à la topographie et à la dynamique des trouées forestières favorisent la coexistence des individus au sein et entre les espèces des complexes d'espèces, et peut-être plus généralement entre les espèces d'arbres de forêts matures. Dans l'ensemble, je soutiens le rôle primordial des individus au sein des espèces dans la diversité des forêts tropicales, et suggère que nous devrions élaborer une théorie de l'écologie des communautés en commençant par les individus, car les interactions avec les environnements se produisent après tout au niveau de l'individu.

Published: 15/12/2020