Christophe Deniau a soutenu sa thèse sur usages des populations d'oiseaux d'eau par les communautés locales des principales zones humides sahélo-sahariennes

Le 28 avril à Montpellier, Christophe Deniau a soutenu ses travaux de thèse intitulés "Interactions humains - oiseaux d'eau : Usages des populations d'oiseaux d'eau par les communautés locales des principales zones humides sahélo-sahariennes : vers une gestion durable ? ". Cette thèse a été encadrée par Denis Gautier et co-encadrée par Raphaël Mathevet (UMR CEFE).

Résumé de la thèse

Chaque année des millions d’oiseaux d’eau afro-paléarctiques migrent entre l’Eurasie et les zones humides d’hivernage sahélo-sahariennes. Cependant, les comptages internationaux révèlent une diminution de certaines populations. Des causes ont été mises en évidence, telles que la dégradation des habitats et la chasse non-durable. Or, très peu d’études portent sur ces zones d’hivernage et encore moins sur l’utilisation humaine de la ressource « oiseaux d’eau ».

Dans le cadre d’un projet international d’amélioration de la connaissance sur les oiseaux d’eau et leur utilisation rationnelle au bénéfice des communautés et de leur environnement au sud du Sahara et en Égypte, l’objectif de cette thèse était alors de concevoir et de réaliser une première exploration des usages et pratiques dans ces zones d’hivernage. Nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de 2 200 personnes dans les sept principales zones humides d’hivernage au Sénégal, au Mali, au Tchad, au Soudan et en Égypte.

Nous avons pu estimer que la prévalence et l’intensité de la pratique de prélèvement sont très variables selon les sites. Certains prélèvements ciblent avant tous les espèces afro-tropicales présentes à l’année, d’autres mélangent espèces paléarctiques et afro-tropicales. Les anatidés sont fortement prélevés sur tous les sites et les rallidés surtout en Égypte. Ce sont principalement des espèces d’oiseaux d’eau de préoccupation mineure pour l’UICN. Bien qu’il soit difficile d’estimer la durabilité de ces prélèvements, leurs prévalence et intensité relatives sont faibles et questionnent l’équilibre du partage de cette avifaune entre la bande sahélo-sahariennes et le Nord (particulièrement l’Europe) où s’effectue des prélèvements par une chasse essentiellement de loisir.

En effet, nous avons pu mettre en évidence que l’utilisation au Sud répond à des besoins alimentaires et économiques expliquant en partie la variabilité des prélèvements. La couverture des besoins en protéines animales, la valeur économique dégagée par la vente, la structuration de certaines filières et la complémentarité de l’utilisation durant les périodes de vulnérabilité traduisent le niveau de dépendance non négligeable des populations utilisatrices à la ressource disponible, accessible et appréciée.

Cette dépendance des communautés locales vis-à-vis de l’avifaune nous a amenés à nous intéresser aux savoirs des utilisateurs. Nous avons ainsi constaté que les niveaux de connaissances étaient liés aux contextes d’utilisation. Les savoirs ornithologiques des utilisateurs sont cohérents avec les savoirs scientifiques et leurs perceptions de la situation aussi organisées que ces derniers. Cependant, les connaissances sur les aspects juridiques et sur les enjeux migratoires et de partage de la ressource avec le Nord sont faibles dans tous les sites.

Cette recherche exploratoire a produit un cadre de connaissances générales et a permis de mettre en évidence des points chauds d’utilisation et de dépendance aux oiseaux d’eau. Ce premier travail invite à compléter ultérieurement ces connaissances par des études et suivis de la durabilité de l’utilisation à travers des approches transdisciplinaires combinant les savoirs locaux et scientifiques en impliquant les populations locales. En effet, par leurs pratiques et savoirs, les utilisateurs constituent un rouage essentiel à considérer et à intégrer dans les politiques de gestion adaptative de la ressource, qui constitue une biodiversité sans frontière. 

Publiée : 03/05/2022